Il y a deux ans et demi, j’ai décidé en une fraction de seconde, après des années de souffrance à courir après la survie financière et le mérite par le statut social, de sauter à pieds joints dans une vie où la magie du corps et du cœur me guide pas après pas.
Comment mes finances ont-elles suivi cette décision ? À quelles épreuves ai-je dû faire face à ce niveau-là ? Comment maintenir le cap du bonheur quelles que soient les conditions financières ?
Cet article est un témoignage, dans lequel je vous partage tout ce parcours avec le plus de transparence possible.
Temps de lecture maximum : 20 min.
Première partie : externe en médecine
Tout a commencé en cinquième année de médecine, en 2015-2016.
Je vivais jusqu’ici avec le strict minimum vital, issu de mes économies faites pendant mes jobs d’été, des aides au logement, du très maigre salaire d’externe à l’hôpital et de la bourse de mérite du bac (qui existait encore à cette époque).
Mais cette année scolaire-là, les versements de la bourse se sont terminés, je n’avais plus d’économie et plus de vacances d’été pour travailler. Il me restait alors 400€ de revenu total par mois.
Une solution à laquelle je pensais déjà depuis quelques temps, s’est alors présentée à moi : l’état proposait de signer un contrat d’engagement d’installation dans des zones sous-dotées en médecins, en échange d’une bourse de 1000€ par mois.
Il me paraissait alors évident pour de signer ce contrat, car ma vie me semblait toute tracée : j’allais recevoir de l’argent pour faire le métier que je rêvais d’exercer, celui de médecin généraliste à la campagne. Même si les études étaient difficiles à vivre pour moi, j’étais convaincue que « tout irait mieux » lorsque je serais sortie du CHU et des bouquins, pour exercer concrètement auprès des patients.
Malheureusement et évidemment, rien ne s’est déroulé comme prévu par la suite : mes croyances selon lesquelles tout serait plus simple lorsque j’arriverais dans le concret de l’exercice de mon métier, ont volé en éclat dès le premier jour de mon internat.
Deuxième partie : interne en médecine générale
Confrontée à la réalité violente (c’est comme cela que je l’ai vécue) d’un métier que j’idéalisais, mon état de santé a commencé à décliner sévèrement sur tous les plans.
Tout faire pour aller dans le sens des chefs qui ont le pouvoir de nous valider ou pas, me mettait dans un état de stress insurmontable. Les horaires à tenir, les kilomètres à faire durant les stages en libéral...toute cette accumulation a été la source d’un état situé bien au-delà de l’épuisement ; je me sentais comme une morte-vivante, totalement en dehors de mon corps, qui tenait debout par mécanisme de survie.
Je pleurais chaque matin où le réveil sonnait, je sentais un poids dans l’estomac et mon corps refusait d’avancer, mais je me poussais quand-même.
L’asthme modéré et l’eczéma léger pour lesquels j’étais traitée depuis l’enfance sont devenus très sévères, malgré une escalade thérapeutique infinie.
Je n’avais plus qu’une envie : tout arrêter pour me sauver la vie.
Mais un détail dans l’équation m’a convaincue de continuer à endurer cette situation malgré tout : le fameux contrat que j’avais signé quelques années plus tôt, que j’avais beaucoup trop peur de rompre.
J’essayais encore de me convaincre qu’une fois l’internat terminé et une fois installée, tout irait mieux et je serais en mesure de l’honorer comme il se doit : 7 années d’installation en tant que médecin généraliste conventionnée en campagne.
J’ai encore du mal aujourd’hui à me figurer comment j’ai pu mener ces études jusqu’au bout.
Je ne les perçois pas du tout comme une réussite, ni comme un accomplissement ou une fin en soi.
Tout ce que je perçois, c’est un trou noir sans fond et sans fin dans lequel seuls les moments traumatisants me laissent quelques bribes d’images bien nettes.
J’ai essayé de voir du positif à partager ici cette période, mais le fait de m’être laissée vivre cette maltraitance pendant autant d’années ne me laisse qu’un goût très amer et triste.
En revanche, il en ressort beaucoup de choses constructives : la première, je me sens (presque) en paix par rapport à tout cela aujourd’hui.
Ce parcours me donne l’élan et la force de partager mes messages, dans l’espoir que les personnes qui portent aussi en elles la même cette vocation de soigner, n’aient plus à souffrir et à se sacrifier pour s’engager dans cette voie.
Troisième partie : premiers remplacements en médecine générale
Revenons au récit.
Alors que j’ai terminé l’internat par miracle et validé mon mémoire, je commençais durant l’été 2021 mon premier remplacement dans le village où je projetais de m’installer dans le cadre de mon contrat, tout en essayant de terminer mon travail de thèse (là encore, d’autres histoires bien souffrantes dont je vous passe les détails pour le moment).
J’ai alors vécu 15 jours qui m’ont paru des années : remplaçante en campagne dans le cadre de la nouvelle mode de la médecine salariée, nous étions en pleine crise sanitaire et le SAMU refusait de se déplacer, même pour des urgences vitales. La médecin que je remplaçais était la seule du lieu, et était partie en vacances en même temps que la secrétaire.
La première heure de la matinée était sans rendez-vous, ce qui me mettait deux heures en retard.
Les visites se faisaient chaque jour entre midi et deux, donc pas de pause déjeuner. Je terminais mes journées 4 à 5h après leur fin officielle dans l’agenda.
Ce remplacement se déroulait dans le cadre de la nouvelle mode de la médecine salariée. Lorsque le bulletin de salaire m’a été remis (1800€, qui selon mes valeurs m’ont paru bien faibles après 2 semaines à 10h par jour, seule au milieu de la campagne, à faire le travail d’un médecin et d’une secrétaire en même temps, tout en gérant l’agressivité inouïe de certains patients durant cette période particulière que nous vivions alors), je me suis demandée à quoi avaient servi ces 9 années d’étude, à part des sacrifices et des responsabilités dont seule ma santé en avait payé le prix.
Lors du dernier jour de remplacement, un moment qui a totalement changé le cours de ma vie a eu lieu.
Nous étions en milieu d’après-midi, j’étais clairement au bout de ma vie sur tous les plans. Le stress et l’épuisement avaient dépassé leur limite supérieure. Je m’apprêtais à aller accueillir le patient suivant, lorsque j’ai ressenti cette évidence dans une clarté sans pareil : le système de santé tel qu’il est reconnu aujourd’hui est déjà mort, et j’étais en train de me laisser couler avec lui depuis des années. L’évidence était telle à l’intérieur de moi, que ma décision a été prise dans le même temps : j’en ai terminé avec ce monde-là. J’étais déjà allée bien trop loin.
J’ai fini par honorer 15 autres jours de remplacement pour lesquels je m’étais engagée un mois plus tard (durant lesquels je me suis endormie au volant et ai fini sur le bas-côté de la route pendant mes visites), puis j’ai raccroché le stéthoscope. J’en ai également profité pour quitter la relation de couple toxique dans laquelle je vivais alors. Autant tout balayer d’un coup !
Quatrième partie : quitter la médecine générale conventionnelle pour de bon
J’étais alors totalement grisée de m’être libérée d’un seul coup, en revanche je n’avais aucun plan B.
Ma nouvelle situation était la suivante : nous étions fin 2021, mon état de santé me rendait incapable d’exercer quelque activité que ce soit ; j’étais face à un nouveau quotidien de solitude à apprivoiser ; je ne pouvais prétendre à aucune aide financière et pour en rajouter, j’avais toujours un contrat d’engagement que j’allais devoir résilier et rembourser (un smic par mois pendant 7 ans)... le tableau n’était pas encourageant, mais pour la première fois de ma vie j’avais choisi de faire confiance à cette étincelle au fond de mon cœur et de mes tripes, qui me faisait sentir à quel point j’étais enfin de retour sur le meilleur chemin pour moi.
Les deux années et demi qui ont suivi jusqu’à aujourd’hui ont été si riches d’expériences quotidiennes, qu’il m’est impossible de tout raconter. Chaque jour se suivait mais ne se ressemblait pas. J’ai traversé toutes les facettes émotionnelles possibles sur une échelle allant des plus profonds limbes de l’enfer à la plus grande lumière dans mon cœur, me suis fait vivre des expériences allant de la plus grande douceur à la plus grande maltraitance de moi-même... mais derrière tout cela, cette confiance en la vie avec laquelle j’ai pris la décision de sauter dans l’inconnu ne m’a jamais quittée.
L’un des éléments marquants de cette période est ma décision d’investir à la fois sur ma santé (massages, spa, coaching nutrition, soins énergétiques, retraites spirituelles, cercles de parole etc) et dans des coachings de reconversion entrepreneuriale, avec les économies réalisées grâce à ce fameux contrat signé en 2015. Cela faisait plusieurs mois que j’’en avais demandé la résiliation avec négociation des sommes à rembourser, mais aucune réponse ne m’avait été donnée.
J’ai vu cela comme une opportunité de pouvoir continuer à me concentrer pleinement sur mon retour à la santé et mon introspection, plutôt que devoir retourner d’emblée travailler alors que je ne m’en sentais pas capable.
C’est ainsi que, par ce choix de concentrer toutes mes ressources alors disponibles dans la déconstruction de mes peurs et conditionnements pour la construction d’une vie libre et heureuse, j’ai dépensé la totalité de mes économies en presque 3 ans, soit 50000€.
Auparavant, cela m’aurait paru tellement fou et impossible, aujourd’hui ce montant me paraît tellement faible par rapport à la valeur inestimable que j’en retire dans ma vie.
À travers toutes ces expériences vécues, mon nouveau « travail à temps plein » est désormais d’apprendre à me connaître et de réajuster ma manière de vivre à la lumière de chacune des découvertes qui m’est offerte.
Les croyances et conditionnements qui ne m’appartiennent pas se libèrent les uns après les autres depuis le jour où j’ai pris la décision de tout quitter.
À chaque voile d’illusion qui se lève, je me sens de plus en plus claire dans mon cœur et mon esprit, et de plus en plus en sécurité en moi-même.
Par la confiance grandissante en ces ressources intérieures, je me sens de plus en plus capable de laisser la vie me présenter toutes les expériences.
En somme, je n’ai plus peur de vivre ; la joie comme la souffrance et toutes les nuances entre les deux, ont retrouvé leur droit d’exister.
Je peux désormais ressentir toutes les facettes de mon humanité sans les fuir. Il y en a certaines plus difficiles que d’autres à appréhender, mais toutes ne sont désormais qu’une seule et même chose à mes yeux : la VIE !!
J’ai tellement changé au global, que je pourrais dire que je ne me reconnais plus. Mais c’est justement tout le contraire : ENFIN je me reconnais, ENFIN je me retrouve, ENFIN je me sens MOI ! Et je sais que ce n’est que le début 🤍
Cinquième et dernière partie : où j’en suis aujourd’hui
Nous sommes au printemps 2024 à l’heure où je partage ces mots.
Cela fait presque trois ans que ma vie a changé du tout au tout sur une décision éclair.
Si j’écris cet article aujourd’hui, c’est parce-que « l’épreuve ultime » (je l’appelle ainsi pour moi-même) s’est très récemment présentée à moi.
Pour rappel, j’ai signé en 2015 un contrat qui finançait mes études en échange d’une installation en tant médecin généraliste dans un zone sous-dotée en médecins. Métier qu’il m’est aujourd’hui impossible d’exercer, à moins de souhaiter perdre à nouveau la santé.
Après trois longues années de procédure durant lesquelles l’organisme responsable de ce contrat n’a rien voulu entendre, m’obligeant à engager des avocats pour plusieurs milliers d’euros et pour aucun résultat au final, la sentence a fini par tomber alors que je ne m’y attendais plus : « veuillez nous rembourser la totalité des sommes versées +20000€ de pénalités dans les deux mois », ce qui revient à environ 120000€...
Bien qu’au fond je n’ignorais pas qu’il me faudrait y faire face un jour, je ne m’attendais pas à recevoir cette nouvelle avec une telle violence.
Un choc émotionnel dont il m’a fallu une semaine pour me relever, après des journées à ressentir un poids si lourd dans l’estomac, qu’il venait obscurcir tout le reste.
Hormis le fait d’appeler le centre gestionnaire de ce contrat pour essayer de trouver un terrain d’entente qui n’est pas encore déterminé, je me suis surtout concentrée sur mon bien-être, pour continuer à rester présente à moi-même, garder mon cap coûte que coûte et renforcer ma confiance en la Vie.
Et celle-ci me le rend bien : malgré ce cette grosse épreuve, je me sens aujourd’hui libérée d’un poids énorme de peur financière.
Cela peut paraître paradoxal, mais le fait de me voir en pleine capacité de continuer à vivre tout ce qui nourrit mon bonheur sans attendre de savoir quelle direction va prendre ma vie, me permet aujourd’hui de me libérer de cette illusion d’un bonheur matérialiste.
Je me sens encore plus ouverte à la vie et légère, car j’intègre enfin un bonheur qui vient vraiment de l’intérieur. J’ai la sensation de sortir de l’effet à la fois euphorisant et stressant de la quête « d’avoir plus », pour soi-disant plus de bonheur.
Je me sens beaucoup plus consciente de ce qui est réellement essentiel pour moi : le repos, le partage, le bien-être, le plaisir de vivre le moment tel qu’il se présente, la lenteur...
Ainsi, je ne sais toujours pas ce qui m’attend avec cette histoire de contrat, mais je ne me suis jamais sentie aussi confiante, sereine, souveraine, claire dans mon esprit et bien déposée dans mon corps.
Pour le moment, mes revenus sont issus des quelques semaines par an de remplacement en médecine thermale, que j’ai repris durant l’été 2023.
Je vis cela comme un bon équilibre de transition, car il s’agit d’un milieu qui correspond à mes valeurs de santé au naturel, sans me demander trop d’investissement physique et émotionnel.
Ce mode d’exercice me permet de payer mes factures, de préserver toute mon énergie et un maximum de temps libre pour me laisser porter par la Vie, prendre soin de moi, de ma maison et de mes relations.
De ce temps libre, a émergé une créativité que je ne connaissais pas.
Je découvre des attraits pour différents moyens d’expression, qui me font me sentir plus vivante que jamais : l’écriture, la parole, le corps et la musique principalement.
Je me sens enrichie de la quantité d’expériences vécues qui, mises bout à bout, reconstruisent ma propre Vérité intérieure.
Toute cette accumulation de VIE, fait naître en moi un élan de partage très fort. Je le ressens du plus profond de mon Être, dans mes tripes, dans mon cœur, dans mon âme et mon corps tout entier.
Qu’il est merveilleux de faire de nouveau corps avec mes ressentis aussi intensément !
MOT DE LA FIN
Par cette créativité, ces expériences et ces ressentis, c’est une vraie évidence qui a émergé depuis quelques mois, et qui donne tout son sens au chemin parcouru : c’est avec les soignantes et pour les soignantes, que je souhaite partager tous ces enseignements reçus. Pour que celles qui, elles aussi, ont envie de partir à la rencontre d’elles-mêmes et créer la vie qui leur correspond vraiment, puissent le faire en se sentant écoutées, épaulées et soutenues sur ce chemin de retour à la Vie ! ♥️
Merci d’avoir lu cet article jusqu’au bout. Le prochain article sera la suite logique de celui-ci, je vous parlerai des principales croyances qui peuvent nous empêcher de sauter le pas vers la création d’une vie qui nous correspond vraiment.
Si vous avez des questions, je suis disponible sur la messagerie privée instagram de @soignantessensibles.
Je vous retrouve très vite,
Mélanie.