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Décider de quitter une situation qui ne nous convient plus est un acte de foi, de courage, d’amour pour soi et la Vie.
Personnellement, il m’aura fallu expérimenter plusieurs années de souffrance profonde avant d’oser m’extirper d’une vie mortifère, pour m’engager direction l’inconnu guidé par le cœur.
Dans cet article, je parlerai plus précisément de l’envie de se reconvertir lorsqu’on est soignante. J’y aborde trois croyances autour de ce sujet, et les magnifiques opportunités de connaissance de soi qu’elles cachent.
L’intention est de vous partager un point de vue issu de mes propres expériences, et d’ouvrir des pistes de questionnements personnels.
Voici donc 3 affirmations qui viennent déconstruire certaines croyances autour du sujet de la reconversion :
1) Se reconvertir ne veut pas seulement dire changer de métier...
...Cela signifie également changer totalement de mode de vie.
Le choix de quitter une profession, n’amène pas seulement à refaçonner l’aspect professionnel de sa vie.
C’est une expérience nouvelle qui amène à voir la vie différemment, et qui vient forcément impacter toutes les autres sphères de la vie.
C’est aussi une découverte de parts oubliées de soi-même ; comme des retrouvailles que l’on n’attendait plus, et qui peuvent surprendre à plein de degrés différents.
L’intention de quitter une profession et/ou oser sauter le pas, fait ressurgir nombre d’émotions. Les voir se révéler, et même parfois exploser, peut être difficile à accueillir après avoir vécu un certain nombre d’années dans des repères certes souffrants, mais en même temps connus.
L’habitude de se reconnaître et d’être reconnue à travers une certaine manière d’être bien définie, de mener des journées programmées selon un timing bien précis dicté par des obligations extérieures...tout cela est amené à être remis en question.
Pour ce qui est de mon vécu à ce sujet, j’ai d’abord voulu me reconvertir pour m’assurer rapidement une sécurité financière.
Mais aujourd’hui, je sais que plusieurs parts blessées ont motivé ce choix : le besoin de me rassurer et de rassurer mon entourage sur le fait que je n’arrêtais pas mon métier pour « devenir une feignante qui ne fait plus rien de sa vie » (ce que j’ai fini par expérimenter), de montrer que j’étais capable de m’en sortir toute seule sans l’aide de personne (ce qui ne peut jamais être complètement le cas), et surtout pour me construire une identité (que j’ai fini par perdre totalement).
Par les expériences qui ont suivi, tout cela s’est petit à petit déconstruit : ma peur de paraître feignante s’est transformée en conscience de la nécessité primordiale de prendre soin de mon corps, de me reposer pour de vrai et de m’ouvrir au plaisir de vivre ; cette armure de fausse assurance et d’indépendance que je portais a commencé à se fissurer, et mon cœur s’ouvre de plus en plus à une vision d’entraide et de partage sans autre arrière-pensée que l’amour et la compréhension ; les cases dans lesquelles je m’enfermais pour me sentir exister ont volé en éclats, pour me faire revenir simplement à ma condition d’humaine qui expérimente plein de facettes différentes de la vie.
Ainsi, choisir de changer de profession, c’est aussi se laisser vivre des deuils (pour soi-même comme pour certaines personnes de notre entourage) de bon nombre de manières de fonctionner et d’identités dans lesquels nous n’avions plus conscience d’être enfermées.
2) Changer de métier n’est pas ce qui résout la lassitude, la souffrance ou le burn-out au travail.
Quitter une profession pour fuir une souffrance et espérer retrouver le bonheur dans une autre est une douce illusion, par laquelle je suis passée.
Il y a en effet un paramètre à prendre en compte : la souffrance au travail n’est pas due au travail en lui-même.
Je m’explique : cette détresse qui peut pousser à envisager de changer de vie, est le résultat de comportements intérieurs inconsciemment entretenus.
À y regarder de plus près, il est possible de revisiter tous ces moments de non-respect de soi, où la volonté était d’être perçue comme gentille et serviable ; ces moments où la voix du cœur n’a pas été écoutée, par habitude ou sous couvert d’excuses qui cachent bon nombre de peurs.
Le propos ici n’est pas du tout d’avancer que le monde soignant est facile et bienveillant, et que celles qui en souffrent ont tout à se reprocher ; il s’agit seulement de prendre conscience de sa part de responsabilité quant à la manière dont on a pu parfois (ou souvent) se laisser maltraiter par lui.
Sortir d’un monde professionnel pour envisager d’entrer dans un autre, demande donc de regarder en face les schémas intérieurs profonds qui ont motivé ce choix.
Sinon, c’est à travers un nouveau mode d’exercice que la souffrance - que l’on pensait avoir laissé derrière soi - finit inexorablement par ressortir.
Au début d’une nouvelle activité, l’attrait de la nouveauté rend tout merveilleux, on a l’impression que la vie a enfin changé. Puis, lorsque les premiers obstacles se présentent, on se rend compte qu’au fond, la même détresse refait surface. Et cela peut donner un lourd sentiment d’échec.
Il est possible de stopper ce cercle vicieux en acceptant de se poser, de se reposer, de mettre en lumière ses ressentis et ses vrais besoins profonds (c’est là que l’accompagnement, le coaching etc...ont leur place de choix) avant d’entamer un nouveau chapitre de vie.
Pour résumer, se reconvertir avec le plus de sérénité possible, c’est faire ce choix à partir d’un élan d’amour pour soi, ce qui demande du temps et un certain cheminement. Faire ce choix de manière impulsive dans un état de stress expose à des déconvenues pas toujours faciles à assumer.
Changer de métier, c’est donc aussi accepter de faire de la mise en conscience de soi-même, une hygiène de vie.
C’est ce que j’ai appris durant les deux premières années après avoir quitté le monde soignant : j’ai agi sans avoir conscience de mes motivations profondes, et cela m’a menée droit dans le mur à maintes reprises, à travers des échecs de lancements d’accompagnements en ligne. Je voulais que les choses se mettent rapidement en place pour ne pas me sentir inutile trop longtemps et surtout, pour ne pas risquer de manquer d’argent...jusqu’à ce que mon corps me contraigne une fois de plus à lâcher prise. C’est à partir de ce moment-là que j’ai commencé à voir les choses sous un autre angle, à laisser tous les projets de côté pour réaliser que mon réel projet, c’est moi-même.
L’écriture introspective que je pratique naturellement depuis toujours, est devenue ma base pour me guider dans la vie. Cela m’a aidée, et continue de m’aider, à me mettre à l’écoute du cœur et me détacher des injonctions sur « ce qui devrait ».
Ma vie est aujourd’hui en train de se reconstruire sur des bases bien différentes. Mon cheminement de reconversion ne m’a, en effet, pas permis d’exercer ce que je croyais être le métier de mes rêves (thérapeute).
Mais il a ouvert des horizons totalement insoupçonnés, m’a permis de saisir nombre d’opportunités inattendues, de retrouver progressivement la santé, de débuter une nouvelle histoire d’amour libérée des schémas de dépendance, de découvrir que ce que j’ai envie de vivre et de créer n’a rien à voir avec mes idées de départ etc.
Désormais, je ne me sens plus en reconversion, car cela n’a plus de sens à mes yeux. Je suis en vie, j’expérimente, j’apprends à être à l’écoute de mon cœur, et il n’y a aucune finalité à cela. Il n’y a plus de réelle notion de métier, il y a ce que je suis en cet instant que je partage sous différentes formes.
En somme, la conscience de soi à travers l’expérimentation de ce qui se présente, est devenu mon mode de vie. C’est ainsi que chaque instant est devenu à mes yeux, une opportunité permanente pour découvrir, créer, et partager ce que j’en retire.
3) Aucune formation ne fera de vous la thérapeute ou la praticienne que vous souhaitez devenir.
Être thérapeute ne signifie pas être soignante au naturel, ni être soignante avec une touche de spiritualité en plus.
Se former à des techniques plus naturelles pour se sentir légitime de se reconvertir en tant que thérapeute, parait être une nouvelle solution presque miracle lorsqu’on souffre de travailler pour le système actuel.
Choisir de s’extraire du milieu soignant pour se reconvertir dans une profession vraiment indépendante, fait entrer dans un tout nouveau monde où la légitimité provient de quelque chose de bien plus profond qu’un diplôme : l’expérience.
Comme je l’expliquais dans la partie précédente, mon cheminement m’a enlevé l’idée de trouver un nouveau métier ; il m’a appris à faire de toutes mes expériences, le terreau fertile pour créer.
Ma vocation de soigner s’est transformée en joie de créer et partager les enseignements que la vie m’a offert. Je suis passée de ce besoin stressant d’apporter des solutions aux problèmes des autres, par l’envie d’échanger d’humain à humain.
Aujourd’hui, je ne me sens pas plus légitime d’être thérapeute parce-que j’ai un diplôme de médecine occidentale. Je me sens comme une humaine qui expérimente la vie. Il n’y a plus d’histoire de thérapeute ou de soignante, car à mes yeux, nous le sommes toutes et tous chacun à notre façon. Nous avons toutes et tous énormément de richesses à offrir au monde, de par les expériences vécues et la manière dont nous avons surmonté les plus difficiles.
Pour imager le propos, n’êtes-vous pas beaucoup plus touchée par le témoignage d’une personne ayant vécu une histoire, plutôt que par l’érudit qui rapporte ce qu’il a trouvé dans les livres et les formations sur le sujet, sans l’avoir jamais expérimenté ?
Encore une fois, tout ce qui est écrit ici ne rejette en aucun cas les formations pour devenir thérapeute. C’est un autre angle de vue qui permet de les aborder différemment.
Je poursuis encore moi-même des formations, mais m’y engager n’est plus aujourd’hui motivé par le besoin d’accumuler des connaissances ; je me les offre, par envie de vivre une expérience nouvelle, qui reste toujours une opportunité de me découvrir sous un nouveau jour et de partager.
De même, cela ne veut pas dire que je ne mettrai plus jamais en place d’accompagnement. L’intention sera en revanche complètement différente ; je ne suis plus là pour régler les problèmes des autres à leur place.
L’élan est de créer de beaux espaces qui ramènent à l’écoute de la sagesse de la vie, celle qui parle à travers le corps et cœur, et qui détient les réponses que l’on cherche désespérément à l’extérieur. C’est bel et bien en puisant en soi que chacun.e découvre ses propres réponses.
Par ces échanges de cœur à cœur, un pur bonheur émerge de lui-même. Car je suis intimement convaincue que ce que nous cherchons tous au fond ne sont pas des solutions, mais de l’attention à travers une vraie écoute inconditionnelle sous toutes les formes. Et recevoir une telle attention, nous reconnecte à l’amour pur.
Le challenge sur ce chemin, n’est donc pas d’accumuler suffisamment de connaissances et de diplômes pour s’autoriser à délivrer du soin ; il s’agit plutôt à mon sens d’accepter d’expérimenter tout ce qui se présente, de traverser les difficultés courageusement (demander de l’aide est un acte de courage) et de voir se renforcer sa propre capacité de tout vivre. C’est de cette force de résilience dont les êtres humains ont besoin aujourd’hui, particulièrement dans cette époque que nous vivons.
Se concentrer sur ce qui peut être offert de l’essence profonde de ses propres expériences vécues, est selon moi ce qui fait d’une personne, l’humain.e dont le monde a vraiment besoin aujourd’hui ♥️ Et il n’y a aucune case qui puisse enfermer cela !!
CONCLUSION
Un autre titre pour cet article aurait pu être « comment le chemin de la reconversion est venu me donner une bonne grande claque d’humilité ».
Car s’offrir le cadeau de sortir de la broyeuse du système soignant, va bien au-delà de ce à quoi l’on peut s’attendre au départ.
Je me suis lancée dans cette aventure à l’aveugle, sans autre clé ni autre motivation que le cœur qui criait le besoin de ressentir la vie à nouveau.
J’ai cru qu’écouter cet élan résoudrait tout ; au lieu de ça, il m’a permis d’apprendre à tout vivre et à rencontrer ma capacité de tout surmonter. Ce qui est infiniment plus précieux.
J’ai appris que le but de la vie n’est pas d’attendre le jour où on aura résolu tous ses problèmes ; c’est rencontrer ses propres forces et capacités à travers tout ce qui a été pleinement vécu et ressenti.
Ainsi, lorsqu’il s’agit de reconversion, celle-ci ne devient plus un but à atteindre, mais un vrai chemin de vie où l’on accepte de se voir évoluer. Ce que la reconversion nous amène à vivre, est en soi un enrichissement intérieur qui profite ensuite à tous les êtres qui croisent notre chemin.
Pour ma part, la volonté de me reconvertir en tant que thérapeute m’a amenée à arrêter de soigner ; j’ai réalisé que le soin, c’est qui je suis et c’est ce que nous sommes tous, par la présence unique que nous offrons au monde, quelle que soit la forme qu’elle peut prendre.
En écrivant cet article, j’ai tout de même conscience que la question de fond lorsqu’on envisage de se reconvertir sera à peu près toujours la même : « c’est bien facile à dire, mais comment je gagne ma vie au milieu de tout ça ? »
Pour y répondre, je vous invite à lire le précédent article-témoignage « changement de vie : quelles implications financières ? », qui évoque les débuts de la transformation de ma vision de l’argent tout au long de mon parcours depuis que j’ai choisi de quitter la médecine générale conventionnelle.
Merci d’avoir lu cet article, merci pour votre présence,
Mélanie.